Les capacités du petit stylo

Une marionnette accrochée à son fil

Un brouillard se lève. Je suis telle une marionnette, avançant sur un fil que je ne vois même pas. La marionnette cligne des yeux et fait un pas. Mais elle se sent malheureuse à son seul état de poupée. Alors elle désire penser. Elle désire aimer. Elle désire vivre. Elle s’arrête, pose deux doigts sur son cou et sent les battements d’un cœur. Son cœur.

Se pourrait-il que ce soit le sien ? Elle sourit et reprend sa marche, les bras tendus sur les côtés : elle a tellement peur de tomber.
Combien de fois s’est-elle accrochée à ce fil, le vide en-dessous de ses pieds ? Combien de fois a-t-elle attendu qu’une force en elle pointe le bout de son nez afin qu’elle puisse remonter ?

Soudain, elle sent quelque chose. Quelqu’un qui lui prend un doigt. Une voix murmure à son oreille Tu tomberas, comme tu es déjà tombée. Elle refuse de l’entendre et continue d’avancer, une once d’elle-même toujours en contact avec cette main.

Peut-elle vraiment aimer et se sentir aimée ? Tout cela est tellement nouveau pour elle. Alors elle accélère le pas, tout en ayant conscience qu’elle n’est pas habituée à ce rythme. En bas, on la regarde, étonnés. Qui l’aurait cru qu’elle accélèrerait ? Personne, même pas elle.

Elle veut ralentir, elle se sent tomber. Comme avant. Le déséquilibre si familier revient. Elle ne sourit plus mais elle ne veut pas abandonner. Ce n’est qu’une main que son doigt touche. Si douce et pourtant si loin d’elle. Elle voudrait que cette main avance vers elle, lui montre ce qu’il y a après.

Et puis, cela se passe comme elle le désirait. La main prend la sienne. Et c’est main dans la main qu’elle peut voir un être dont elle n’aurait jamais perçu l’existence. Quelqu’un qu’elle peut aimer. Quelqu’un qui l’aime. Petit à petit, elle reprend son équilibre. Petit à petit, elle sourit et accélère à nouveau.

Elle voudrait garder cet équilibre pour toujours. Mais elle a toujours été maladroite. La chute est si proche. De plus, son rythme n’a jamais été très rapide. Elle sait qu’elle ne pourra tenir très longtemps mais elle tient, tout en sachant que la chute ne sera que plus violente si elle continue comme cela. Bientôt, elle ralentira à nouveau. Elle le devra. Mais ralentir jusqu’à s’arrêter ? Non, jamais car elle pense qu’il ne s’arrêtera pas pour l’attendre.

Et après ? Elle ne sait pas. Elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Alors elle imagine un avenir heureux, un fil qui s’élargit et lui, toujours à ses côtés. Elle pense, elle rêve à un futur merveilleux. Elle regarde le monde qui l’entoure, sans jamais s’arrêter d’avancer. Tout n’est pas beau. Tout n’est pas merveilleux. Les rêves ne sont apparemment pas la réalité. Mais elle aime croire au contraire. Elle aime penser que les rêves peuvent devenir réels et que plus tard, elle puisse sourire pour toujours.